Jusqu’à présent, le Coronavirus aurait atteint plus de 619,7 millions d’infections dans le monde entier, avec plus de 6 millions de décès. Mais cette pandémie est loin d’être la plus meurtrière que l’homme ait survécue. Ce titre est remporté par la peste noire ou la Mort Noire, qui a ravagé l’Europe, l’Afrique du nord et l’Asie entre 1346 et 1353 et a entraîné la diminution de la population humaine à l’époque par 30-50%.
La Mort Noire ou la peste noire marqua le début de la deuxième pandémie de la peste. Celle-ci est une zoonose bactérienne due à Yersinia Pestis, que l’on trouve habituellement chez les petits mammifères, surtout les rongeurs, et les puces qui les parasitent. Sa transmission se fait par la piqûre de puces infectées, par contact direct avec des tissus infectés et par inhalation de gouttelettes respiratoires infectées.
Sa forme la plus courante est la peste bubonique, d’un taux de létalité de 30% à 60%. Le bacille, Y. Pestis, atteint la circulation lymphatique suite à une piqure, provoquant ainsi une inflammation des ganglions satellites du point d’inoculation, des bubons. Son évolution se fait par la dissémination du germe par voie hématogène vers le reste des organes du corps, notamment les poumons, où on aura la forme la plus redoutable, la peste pulmonaire, qui est presque toujours mortelle.
Malheureusement, la Mort Noire n’était qu’un point de départ. L’épidémie continuera à se répercuter le long des 400 années qui suivent, jusqu’au début du XIXème siècle, aussi grave à chaque reprise, mais avec de moins en moins de victimes au fil du temps. C’est cette constatation qui a éveillé la question suivante : Est-il possible que l’homme ait acquis une sorte d’immunisation envers ce pathogène redoutable, suite à la récurrence des épidémies? C’est ce dont a essayé de répondre Jennifer Klunk et ses collaborateurs dans son article ‘Evolution of immune genes is associated with the Black Death’, publié le 19 octobre 2022 sur la revue Nature.
Pour explorer cette énigme, l’équipe des auteurs a eu recourt au séquençage d’ADN extraits de populations ayant vécu à Londres et en Danemark avant, pendant et après la peste noire. La comparaison des résultats a mis en évidence 4 variantes génétiques qui ont subi une sélection naturelle positive, potentiellement bénéfique contre l’infection à Y. Pestis chez les populations survivantes. Plus particulièrement, la variante du gène ERAP2. L’étude a confirmé que la présence de deux allèles fonctionnels de ce gène permet une réponse immunitaire protective plus efficace contre la bactérie. Grâce à la synthèse de la protéine aminopeptidase 2 codée par le gène ERAP2 au sein des macrophages, l’organisme est capable de mieux neutraliser l’effet pathogène en intra cellulaire.Il fut donc évident que les personnes homozygotes de la variante du gène en question bénéficiaient d’un taux de survie plus élevé,estimé à 40%, par rapport aux autres.
Sauf que cette nouvelle acquisition puissante face aux infections ne vient pas sans prix. Il s’avère que le gène ERAP2 serait impliqué également dans la susceptibilité aux inflammations chroniques et maladies auto immunes, telles que la maladie de Crohn, chez les porteurs du gène au temps moderne. De même, d’autres parmi les 4 gènes sélectionnés après la pandémie, sont fortement associés à la survenue de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux systémique.
Maroua Regragui
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