I. Introduction :
Le cancer du sein est le premier cancer de la femme. Il représente 25 % de tous les types de cancer, et il touche près d’une femme sur 12. Selon l’OMS, plus de 2,2 millions de cas de cancer de sein ont été recensés en 2020.
Plusieurs facteurs de risque peuvent induire un cancer du sein dont l’âge, les antécédents familiaux de cancer de sein, la mutation du gène BRCA, la ménopause précoce, une première grossesse tardive, l’utilisation de contraceptifs oraux, le mode de vie déséquilibré…
La plupart des cancers du sein sont des tumeurs épithéliales impliquant les canaux ou les lobules. Ils sont classés en carcinome in situ et invasifs : les carcinomes in situ sont soit canalaires ou lobulaires, tandis que les carcinomes invasifs sont des adénocarcinomes. Au fil du temps, le cancer peut se propager vers les tissus voisins puis les ganglions lymphatiques pour rejoindre le reste du corps à des stades avancés. Ceci peut se traduire sur le plan clinique par la présence d’une masse dure dans un sein aux contours irréguliers, des ganglions gonflés au niveau de l’aisselle, des écoulements spontanés au niveau d’un mamelon ou la modification de l’aspect de la peau du sein, …
Le dépistage du cancer du sein est primordial chez toute femme à partir de l’âge de 45 ans en raison d’une fois tous les deux ans (sauf indication médicale d’une surveillance plus rapprochée). Les modalités de dépistage sont les suivantes : l’examen clinique, la mammographie, et l’échographie mammaire. L’examen clinique du sein peut s’effectuer par un clinicien de manière annuelle ou alors une autopalpation par la patiente elle-même au moins une fois par mois afin de rester éveillée aux changements de ses seins. La mammographie est une modalité d’imagerie médicale par rayons X à faible dose qui effectue des images sur un plan oblique et crânio-caudale. Finalement, l’IRM mammaire est utilisée pour les femmes à risque élevé de cancer du sein et dans les stades avancés.
Le traitement se présente comme suit : la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et l’hormonothérapie. Le choix du traitement prend en compte la taille de la tumeur, sa localisation, présence ou absence de marqueurs biologiques (ki-67, récepteurs hormonaux et et HER2) ainsi que l’état de santé général de la patiente et ses préférences. La chirurgie est une mastectomie ou chirurgie mammaire conservatrice, elle comprend l’ablation de la totalité du sein en épargnant dans certains cas la peau, le mamelon, les muscles pectoraux, les ganglions lymphatiques…. La radiothérapie et la chimiothérapie sont indiquées après une mastectomie afin d’éviter ou retarder une récidive.
Dans cet article, on va parler dans un premier lieu du cancer de sein triple négatif (TNBC), le sous type de cancer de sein, le plus agressive et qui pose encore un problème thérapeutique, puis des statines autant qu’une famille avec des propriétés anti-tumorale et à la fin de la simvastatine, une molécule prometteuse dans la thérapie du TNBC.
II. Le cancer du sein triple négatif :
Le cancer du sein triple négatif (TNBC) représente 15 à 20 % des cancers du sein invasifs, sont des cancers de sein ayant en commun l’absence des récepteurs hormonaux, et des récepteurs HER2.
Le TNBC pose un problème diagnostic et thérapeutique :
- Sur le plan diagnostic, le TNBC se manifeste à un âge plus jeune avec un polymorphisme clinique et souvent à un stade plus avancé contrairement à d’autres types de cancers du sein ;
- Sur le plan thérapeutique, il n’y a aucune thérapie ciblée approuvée par la FDA (Food and Drug Administration) pour le TNBC, il n’y a que des modalités thérapeutiques d’efficacité limitée, qui consiste en un traitement locorégional (chirurgical) similaire aux autres cancers du sein invasifs associé à la radio-chimiothérapie.
En plus le TNBC est le sous type le plus agressif avec le risque métastatique le plus élevé principalement pulmonaires, hépatiques et cérébrales, et le taux de survie à 5 ans des malades le plus faible donc le TNBC a un mauvais pronostic par rapport aux autres sous-types de cancer du sein ; avec le risque métastatique le plus élevé et un taux de survie ne dépassant généralement pas la barrière des 5 ans
Ainsi une thérapie ciblée pour le TNBC est une nécessité pour l’amélioration du pronostic de ces patientes, pour cela un ensemble d’études sont en cours afin de mieux comprendre la cancérogenèse de la TNBC et avoir des nouvelles thérapies viables.
Parmi ces nouvelles thérapies prometteuses, on a la simvastatine, un médicament qui a déjà prouvé son efficacité autant qu’hypocholestérolémiant qu’outil de prévention de maladie cardio-vasculaire.
III. La statine :
Les statines ont été développées dans les années 1970 comme traitement anti-lipémiant l’hypercholestérolémie.
Les statines sont des inhibiteurs de la 3-hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme A (HMG CoA) réductase, l’enzyme qui transforme l’HMG-CoA en l’acide mévalonique, un précurseur du cholestérol de ce fait le cholestérol endogène diminue, les récepteurs hépatiques LDL diminuent également, qui détermine la réduction des LDL circulantes et de ses précurseurs.
Les statines peuvent être classées en deux groupes : lipophile contient la lovastatine, la simvastatine, l’atorvastatine et la fluvastatine, et un groupe non lipophile ou hydrophile contient la pravastatine et la rosuvastatine. Les deux groupes et les différentes molécules diffèrent dans leur capacité à inhiber l’HMG CoA.
Parmi ces effets, on retrouve :
- Un impact majeur sur la prévention des événements cardiovasculaires soient, les accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde ainsi que le décès dû aux maladies cardiovasculaires.
- Diminution de l’épaisseur de la paroi intimale et médiale des artères coronaires entraînant ainsi une régression de l’athérosclérose.
- Réduction de l’adhérence à l’endothélium des monocytes circulants et des lymphocytes T qui est l’action clé dans la formation de lésions athéromateuses, de même que son impact sur l’inflammation des tissus.
- Diminution du taux de Cholestérol total sérique, de cholestérol LDL, d’apolipoprotéine B (Apo B) et de triglycérides
- Augmentation des concentrations de cholestérol HDL dans la prise en charge de l’hyperlipidémie primaire
- Augmentation de l’espérance de vie pour les personnes atteintes d’hypercholestérolémie familiale (forme génétique rare due à une mutation du gène codant le récepteur au LDL)
Les statines sont des médicaments qui ont des propriétés antitumorales, elles sont des inducteurs d’apoptose (la capacité d’échapper à l’apoptose est l’une des propriétés majeures des cellules cancéreuses), en même temps elles inhibent la prolifération tumorale. Ces effets sont liés à l’inhibition de la voie du mévalonate.
IV. La simvastatine et le cancer de sein triple négatif :
La simvastatine est la meilleure candidate pour le traitement du TNBC, elle possède plusieurs points forts qui sont :
- Au sein de la famille de statine, un effet de classe entre les statines lipophiles et les statines non lipophile est présent, les statines lipophiles possèdent une capacité à inhiber l’HMGCR plus que les non lipophiles ; Et la statine la plus lipophile est la simvastatine.
- La simvastatine est responsable d’une réduction significative de la croissance des cellules cancéreuses in vitro et in vivo, et préférentiellement la croissance des cellules tumorales de TNBC par rapport aux autres sous types de cancer de sein.
- Dans des études précliniques, la simvastatine a pu diminuer la taille de tumeur voire la supprimer avec une réduction de potentiel métastatique des cellules cancéreuses de cancer du sein donc une amélioration possible de pronostic des patientes atteintes d’un cancer du sein.
Pour ces critères, la simvastatine est la statine la plus prometteuse dans le traitement de TNBC.
Les mécanismes moléculaires impliqués dans les effets de la simvastatine découvertes jusqu’à présent sont :
o Le déséquilibre calcique.
o Et l’inhibition de la protéine de choc thermique.
1. La simvastatine est responsable du déséquilibre de l’homéostasie calcique :
La simvastatine induit une augmentation de calcium en intracellulaire prévenant soit des réserves intracellulaires en calcium ou de milieu extracellulaire ; Cette augmentation de calcium a un rôle central dans l’apoptose cellulaire en induisant :
- L’accumulation des molécules impliquées dans l’apoptose, telles que BIM (Bcl-2-like protein 11).
- La surcharge en ions Ca2+ au niveau de mitochondrie, qui induit une diminution du potentiel membranaire de la mitochondrie.
- La surproduction d’espèces réactives de l’oxygène (ROS).
- Et la libération de facteurs pro-apoptotiques.
Le mécanisme de ce déséquilibre calcique en présence de la simvastatine reste encore mal connu.
2. La simvastatine inhibe la protéine de choc thermique 90 (HSP90) :
La HSP90 est une molécule ATP-dépendant qui joue un rôle primordial dans la maturation et la stabilisation des oncoprotéines et les composants clés des voies de réparation de l’ADN et dans la modification post-traductionnelle. Par ces mécanismes, la HSP90 est impliquée dans la progression tumorale.
Les niveaux enlevés de Hsp90 sont corrélés à un mauvais pronostic, à un taux de récidive élevé, et à la résistance thérapeutique dans le TNBC.
L’inhibition de cette protéine induit l’apoptose qui peut être une option thérapeutique pour le TNBC ; Parmi les molécules au cours d’étude qui ciblent la HSP90, on trouve la simvastatine qui l’inhibe d’une façon directe.
V. Conclusion :
Le cancer du sein triple négatif (TNBC) est le sous-type de cancer de sein le plus agressif ; l’identification de ses processus moléculaires cancérogènes est intéressante afin de découvrir des cibles thérapeutiques pour améliorer le pronostic des patientes.
La simvastatine est une molécule prometteuse dans le traitement de TNBC selon les résultats des études in vivo, et en préclinique qui concluent que la simvastatine est plus sensible au TNBC et responsable de la diminution de la taille de tumeur et la réduction de risque métastatique des cellules cancéreuses de TNBC.
Les mécanismes de la simvastatine découverts jusqu’à présent sont l’inhibition de la protéine de choc thermique et le déséquilibre calcique qui stimulent une apoptose spécifique des cellules cancéreuses.
Les études sont en cours pour mieux comprendre le mécanisme d’action de la simvastatine sur les cellules cancéreuses et les mécanismes de résistance de TNBC pour proposer des stratégies thérapeutiques efficaces pour le cancer de sein triple négatif.
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