DÉFINITION DU DIABÈTE SUCRÉ ET CRITÈRES BIOLOGIQUES DE DIAGNOSTIC
Le diabète sucré est défini par l’élévation chronique de la concentration de glucose dans le sang (hyperglycémie) et regroupe, dans un véritable syndrome, plusieurs maladies de pathogénie différente (trouble de la sécrétion et/ou de l’action de l’insuline). L’hyperglycémie chronique est la cause principale de survenue des complications dégénératives de la maladie diabétique mais celles-ci peuvent être évitées ou du moins retardées par un traitement adéquat.
Selon les critères actuels, le diabète sucré est défini par une glycémie plasmatique à jeun supérieure à 1,26 g/L ou > 2g/L quelle que soit l’heure du prélèvement en présence de symptômes cliniques.
Ce diagnostic peut également être posé devant une valeur de 2 g/L à la 120ème minute d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). La découverte d’une valeur pathologique doit toujours être confirmée sauf si le diagnostic de diabète repose sur la clinique et une biologie non équivoque.
Une glycémie à jeun modérément augmentée entre 1,1g/L mais < 1,26 g/L défini un état prédiabétique.
Epidémiologie
Si la prévalence mondiale du diabète chez les personnes âgées de 20 à 79 ans en 2021 était estimée à 10,5 % (536,6 millions de personnes), une augmentation à 12,2 % (783,2 millions) est prévue pour 2045. La prévalence du diabète était similaire chez les hommes et les femmes et était la plus élevée chez les personnes âgées de 75 à 79 ans.
Le diabète de type 1 survient principalement chez les enfants et les jeunes adultes et représente 5 à 10 % de la totalité des diabètes observés dans le monde. La progression de ce type de diabète augmente d’environ 3 % par an, atteignant 6 % chez les jeunes enfants.
Si l’espérance de vie avec un diabète de type 1 (DT1) a considérablement augmenté ces 30 dernières années, cette maladie demeure un fardeau important pour ceux qui en sont atteints, avec en moyenne 12 ans d’espérance de vie perdues pour les personnes avec un DT1 par rapport à la population générale, et ceci est principalement dû aux complications cardiovasculaires du DT1.
CLASSIFICATION
La classification nosologique du diabète publiée par un groupe d’experts sous la responsabilité de l’Association Américaine du Diabète (ADA) met en exergue les différences physiopathologiques des diabètes de type 1 et de type 2.
Dans le diabète de type 1, l’hyperglycémie est due à une carence absolue en insuline, secondaire à la destruction auto-immune des cellules b des îlots de Langerhans.
Dans le diabète de type 2, la carence en insuline est relative et l’hyperglycémie est liée à l’association, à des degrés divers, d’une insulinorésistance et d’une insulinopénie. Ainsi, ces 2 types de diabète ont de différentes caractéristiques cliniques et biologiques.
Les diabètes dits “spécifiques” sont secondaires à une maladie pancréatique, à une endocrinopathie, iatrogènes ou encore liés à des anomalies génétiques.
Le diabète gestationnel correspond à un trouble de la tolérance glucidique apparaissant entre la 24ème et la 28ème semaine de grossesse et disparaissant après l’accouchement. Son diagnostic repose à l’heure actuelle sur la pratique d’une HGPO avec 100g de glucose.
LA TECHNOLOGIE DERRIERE LE PANCREAS BIONIQUE
Malgré l’avancée technologique considérable du traitement du diabète notamment de type 1, le taux d’hypoglycémies sévères persiste en dépit de l’introduction des analogues de l’insuline et de l’autocontrôle glycémique (6), c’est ici que surgit l’idée d’un pancréas bionique visant à prévenir les complications graves du diabète.
En effet, depuis la conception de la pompe à insuline sous-cutanée : Continuous Subcutaneous Insulin Infusion (CSII), l’idée de concevoir un pancréas artificiel pour le contrôle continu de la glycémie avec une intervention humaine minimale, a conduit à de nombreuses innovations dans ce sens. Le pancréas artificiel dit pancréas Bionique est ainsi, une combinaison de technologies associant trois dispositifs :
- Un capteur : Continuous glucose monitoring (CGM) qui mesure la glycémie et envoie les données à un algorithme informatique,
- Un algorithme de contrôle : qui analyse les données et calcule la dose d’insuline nécessaire,
- Une pompe à perfusion d’insuline, en sous-cutané, qui administre l’insuline selon les instructions reçues.
Le premier pancréas bionique, ” iLet ” (Beta Bionics) : petit appareil placé au niveau de l’abdomen, exclusivement destiné au traitement du T1D, a été inventé par le Dr Edward Damiano en 2015.
Dans ce système, des évaluations automatisées du dosage des niveaux d’insuline et de glucagon sont effectuées toutes les 5 minutes sur la base des données CGM évaluées.
Ce pancréas doit assurer à la fois une mesure continue du glucose et calculer la quantité d’insuline nécessaire pour assurer un équilibre glycémique ; libérant les patients d’un contrôle « manuel » multi quotidien de la pompe à insuline (7).
Plusieurs équipes de recherche travaillent sur le développement de ces pancréas artificiels (8) ; dont deux types ont fait l’objet d’essais cliniques menés dans des conditions de vie réelle (6) :
- Le pancréas bionique mono-hormonal :
Ce système mono-hormonal, assure un contrôle glycémique en boucle fermée en administrant l’insuline en cas d’hyperglycémie (8).
Il permet de mesurer la glycémie via un capteur enzymatique spécifique du glucose (glucose-oxydase) se présentant comme une aiguille souple transcutanée, indiquant la concentration du glucose dans le liquide interstitiel sous cutané.
L’amélioration technologique de ce capteur a permis d’estimer le délai physiologique entre le glucose interstitiel et plasmatique, pour avoir une mesure suffisamment exacte de la glycémie, et en fonction de cette mesure il fournit une modulation glycémique via la pompe à insuline munie d’un algorithme contrôlant son débit et assurant une insulinothérapie en boucle fermée (7).
Mais qu’en est-il de l’hypoglycémie ?
C’est une complication grave et fréquente de l’insulinothérapie ; qui nécessite un traitement le plus rapidement possible ; par conséquent ce système mono-hormonal présente une limite de fonctionnement.
- Le pancréas bionique bi-hormonal :
Ce pancréas permet de délivrer en plus de l’insuline, des micro-doses de glucagon. L’ajout du glucagon vise alors à prévenir et à traiter plus efficacement les hypoglycémies (6).
L’administration bi-hormonale a été introduite pour la première fois par Kadish en 1964. Même si le modèle initial fût encombrant et transporté dans un sac à dos, il était capable de surveiller le glucose en continu et d’administrer de l’insuline et du glucagon. Dans ce modèle, le glucagon a été administré par voie intraveineuse pour prévenir les hypoglycémies graves. (8)
Le glucagon administré par voie sous-cutanée a également un délai d’action rapide et peut être utilisé pour éviter les complications de l’administration intraveineuse. (8)
Le pancréas bionique représente donc une piste de recherche prometteuse pour un meilleur contrôle glycémique
ESSAIS CLINIQUES ET APPORT DU PANCREAS BIONIQUE
Après de nombreuses études pour prouver l’innocuité de ce dispositif, son efficience et sa valeur ajoutée (amélioration de la régulation de la glycémie et des impacts psychosociaux de cette pathologie par rapport au traitement conventionnel du Diabète de type 1), la technologie du pancréas bionique a enfin, reçu la désignation de ” dispositif révolutionnaire ” par la FDA en 2019. (9)
-Dans un essai ouvert, aléatoire, croisé et à domicile sur trois périodes d’intervention consécutives, 13 participants ont reçu durant 21 jours: soit leur traitement standard (schéma d’insulinothérapie standard suivi), ont utilisé la technologie du pancréas bionique à insuline seule avec un niveau cible de glycémie fixé à 115 ou 130 mg/dL en fonction du moment de la journée, ou ont utilisé le dispositif branché en mode dynamique avec une valeur de glycémie cible qui varie automatiquement entre 110 et 130 mg/dL, en fonction du risque hypoglycémique.
Les résultats ont révélé que l’utilisation de cet outil en mode bihormonal ou à insuline seule diminuait significativement le nombre d’hypoglycémie ou durée de temps pendant laquelle la glycémie est inférieure à 70mg/dL. De plus, le test Human Factor a démontré la satisfaction des utilisateurs quant à l’utilisation du dispositif et l’absence d’une éventuelle augmentation du risque de stress lors de l’utilisation de ce Pancréas bionique. (10)
-Dans une autre étude randomisée, ouverte et croisée, les patients recrutés à partir de « camps de diabétiques » aux Etats-Unis, âgés de 6 à 11 ans atteints de diabète de type 1 (diagnostiqué depuis ≥1 an) qui étaient sous thérapie par pompe, ont été partagé en deux groupes. L’un a reçu pendant 5 jours, une thérapie par pompe à insuline conventionnelle (groupe contrôle), l’autre a été suivi par le biais de ce Pancréas bionique. Y a succédé une période d’élimination de 3 jours, avant une deuxième intervention de 5 jours.
Les résultats analysés, ont révélé, durant la période « Pancréas bionique », une concentration moyenne de glucose mesurée par CGM significativement plus faible que celle de la période de contrôle (7,6 mmol/L [écart-type de 0,6mmol/L] contre 9,3 mmol/L [écart-type de 1,7mmol/l] ; et une pvalue de 0,00037) et une durée de temps plus faible pendant laquelle la glycémie était inférieure à 3,3 mmol/L ((1,2% du temps [écart-type de 1,1] contre 2,8% du temps durant la période contrôle [écart-type de1,2] ; pvalue<0-0001). (11)
Enfin un essai clinique récent, randomisé multicentrique d’une durée de 13 semaines, a inclus des sujets âgés de 6 à 79 ans dont 219 ont été affectés au groupe pancréas bionique et 107 au groupe de soins standard. Le critère de jugement principal était cette fois-ci, le taux d’hémoglobine glyquée qui a significativement diminué de 7,9 % à 7,3 % dans le groupe Pancréas bionique(P<0,001). (12)
De même, dans un autre essai multicentrique randomisé qui a inclus 275 adultes atteints de diabète de type 1 (âgés de 18 à 83 ans, taux initial d’HbA1c compris entre 5,3 % et 14,9 %), le taux d’hémoglobine glyquée a diminué de 7,8 % ± 1,2 % au départ à 7,1 % ± 0,6 % au bout de 13 semaines dans le groupe utilisant la technologie de du pancréas bionique contre une diminution de 7,6 % ± 1,2 % à 7,5 % ± 0,9 % de l’HbA1c dans le groupe traité par de l’insuline aspart à action rapide seulement (P < 0,001). (13)
Le pancréas bionique a donc prouvé à la fois son innocuité mais aussi son efficacité quant à l’amélioration de la prise en charge des patients diabétiques par l’optimisation du contrôle de leur glycémie, son automatisation, sa régularité et sa correction spontanée. Cette technologie a permis de diminuer le nombre d’hypoglycémies, a agi considérablement sur le taux d’hémoglobine glyquée et a permis enfin d’atteindre des niveaux de glycémie cible adapté à chaque patient.
Références :
- Diabetes Research and Clinical Practice Volume 183, January 2022, 109119
- Médecine Nucléaire – Imagerie fonctionnelle et métabolique – 2001 – vol.25 – n°2 .Correspondance : Michel Rodier – Endocrinologie – Centre Hospita lier Universita ire – Nîmes
- Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine Volume 201, Issues 7–9, September–December 2017, Pages 1227-1236
- Médecine des Maladies Métaboliques Volume 15, Issue 4, June 2021, Pages 375-379
- International Journal of Innovation Scientific Research and Review Vol. 04, Issue, 10, pp.3460-3468, October 2022 Available online at http://www.journalijisr.com SJIF Impact Factor 4.95 * MAAFI Najoua Laboratoire Langage et Société, CNRST-URAC 56, Université Ibn Tofail, kénitra, Maroc.
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001407919304157
- https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/24830.pdf
- https://dom-pubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/dom.12107#dom12107-bib-0012
- JDRF Reports: FDA Grants Breakthrough Device: iLet Bionic Pancreas [Internet]. [cité 23 nov 2022]. Disponible sur: https://www.jdrf.org/blog/2019/12/23/fda-grants-breakthrough-device-status-ilet-bionic-pancreas/
- Ekhlaspour L, Nally LM, El-Khatib FH, Ly TT, Clinton P, Frank E, et al. Feasibility Studies of an Insulin-Only Bionic Pancreas in a Home-Use Setting. J Diabetes Sci Technol [Internet]. 1 nov 2019 [cité 18 nov 2022];13(6):1001‑7. Disponible sur: https://doi.org/10.1177/1932296819872225
- Castellanos LE, Balliro CA, Sherwood JS, Jafri R, Hillard MA, Greaux E, et al. Performance of the Insulin-Only iLet Bionic Pancreas and the Bihormonal iLet Using Dasiglucagon in Adults With Type 1 Diabetes in a Home-Use Setting. Diabetes Care [Internet]. 18 juin 2021 [cité 23 nov 2022];44(6):e118‑20. Disponible sur: https://doi.org/10.2337/dc20-1086
- Multicenter, Randomized Trial of a Bionic Pancreas in Type 1 Diabetes | NEJM [Internet]. [cité 23 nov 2022]. Disponible sur: https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2205225
- El-Khatib FH, Balliro C, Hillard MA, Magyar KL, Ekhlaspour L, Sinha M, et al. Home use of a bihormonal bionic pancreas versus insulin pump therapy in adults with type 1 diabetes: a multicentre randomised crossover trial. Lancet Lond Engl. 28 janv 2017;389(10067):369‑80.
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