Une approche permettant de minimiser les dégâts liés au dépistage et surtraitement du cancer de la prostate tout en maintenant une baisse du taux de mortalité

Written by Quaerere FMPC

March 27, 2023

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme de plus de 50 ans. En 2020, 1.41 million cas recensés à travers le monde. Il est caractérisé par une évolution naturelle très lente le plus souvent, les formes les mieux différenciées pouvant mettre des années avant de devenir symptomatiques.  Il est diagnostiqué le plus souvent chez des patients âgés (l’âge moyen du diagnostic est de 70 ans) qui mourront très souvent d’autres causes que ce cancer. Il reste cependant une cause fréquente de mortalité au vu de deux causes: Premièrement, sa prévalence très élevée, deuxièment les cancers agressifs qui se développent chez des patients plus jeunes.

On se retrouve devant la problèmatique suivante : L’évolution naturelle du cancer de la prostate est le plus souvent très lente, ce qui réduit, chez un grand nombre de patients, l’intêret d’un dépistage précoce, lequel sera accompagné d’un traitement par excès, qui sera peut être plus nocif que bénéfique, d’une part, pour la santé physique et mentale du patient et son entourage (que ce soit proches, liés au patient émotionnellement ou peut être dépendant de lui financièrement. Ou son entourage professionnel, on donne l’exemple du médecin : Un médecin surdiagnostiqué est un médecin dont on soustrait inutilement de précieuses heures de fonction perdues dans des prises en charge inutiles ou même nocives. Ces heures sont d’autant plus précieuses au vu du manque de médecins. Dans cet exemple, l’entourage affecté est représenté par les patients n’accédant pas ou ont un retard de soins), d’autre part, matèriellement, pour les partis qui s’occupent du financement du traitement et prise en charge de tout geste suivant le dépistage, pouvant être le patient lui même, l’état, ou autre. Cependant, il reste toujours une cause de mortalité très fréquente, deuxième cause de décès par cancer chez l’homme agé de plus de 50 ans, et cinquième cause de décès par cancer tous sexes confondus; avec le risque de formes très agressives d’évolution très rapide, chez des sujets plus jeune, sans comorbités, qui eux, bénéficieront grandement d’un dépistage précoce. Ainsi se pose la question suivante : Est-il possible de réduire les dommages causés par le surtraitement tout en maintenant ou réduisant le taux de mortalité ?

Une stratégie de diagnostic individuel précoce.

Une étude européenne* a conclu que :

-Des programmes de dépistage du cancer de prostate organisés et basés sur la population devraient être mis en place, au niveau européen, afin de répondre à la problématique, qui est la réduction du risque du surtraitement, tout en réduisant la mortalité par cancer de prostate. Il faut mettre en oeuvre une stratégie, qui sera personnalisable à chaque patient, adaptée au risque basé sur le dosage du PSA à l’âge de 45 ans, ou PSA de base, auquel sera adapté une fréquence de surveillance. Si l’espérence de vie est inférieure à 10 ans, le dosage de PSA doit être arrêté afin de réduire le risque de surtraitement (sera expliqué cet arrêt dans la suite de l’article.)

-L’IRM multiparamétrique, ainsi que des scores et dosages biologiques permettant de calculer le risque du cancer de prostate à haut risque, doivent être inclus dans le diagnostic individuel précoce, afin de mieux sélectionner les patients qui bénéficieront le mieux d’une biopsie de la prostate. (Ce qui a un grand interêt dans la réduction des dégats liés au surtraitement, la biopsie est un acte invasif avec toute une panoplie de risques l’accompagnant, c’est un geste assez lourd nécessitant un praticien expérimenté.)

-La surveillance active chez les patients à faible risque et certains patients à risque intermédiaire de groupe 2, réduit le risque de surtraitement.

Un diagnostic individuel précoce soumis à des directives: Exemple des recommandations de l’association française d’urologie 2016 2018.

Les recommandations de l’association française d’urologie 2016 2018 donnent une procédure de détection précoce du cancer de la prostate dont les points clés seront résumés comme suit :

• s’adresse exclusivement à des hommes en bon état fonctionnel et à la probabilité de

survie prolongée ;

Pour expliquer le point précedant, l’exemple suivant est souvent donné : ” Un patient de 70 ans sans aucune comorbidité peut avoir plus de 15 ans de probabilité de survie et risque donc de souffrir d’un cancer de la prostate agressif, alors qu’un autre patient au même âge mais avec plusieurs comorbidités lourdes (diabète, Parkinson, autre cancer) peut avoir une probabilité de survie de seulement 2 à 3 ans et n’être en rien menacé par un quelconque cancer de la prostate.” Il est aussi mentionné: ” Cet exemple est donné à titre indicatif et évolue régulièrement, avec une certaine tendance à observer une augmentation de la probabilité de survie dans le temps.”

• information non ambiguë indispensable préalablement à la réalisation des tests diagnostiques

Un dosage de PSA de référence à 45 ans, ou ” Baseline PSA “.

État fonctionnel urinaire et sexuel « de base » du patient, qui sera évalué de façon exhaustive par des questionnaires standardisés comme l’USP, évaluant la fonction urinaire, et lIIEF, évaluant la fonction sexuelle. A noter que les symptômes urinaires ne sont pas spécifiques, et seront souvent associés à une pathologie bénigne, l’hypertrophie bénigne de la prostate. Le retentissement de cette dernière sera important à évaluer parallélement à la démarche diagnostic et thérapeutique, car l’HBP associée peut avoir un impact sur la stratégie diagnostic et thérapeutique. Les symptômes urinaires peuvent être le signe d’envahissement trigonal par le cancer de la prostate. Le toucher réctal permettera d’évoquer le diagnostic dans ce cas.

Concernant la fonction sexuelle, le cancer de la prostate n’entraîne pas de symptômes sexuels. Cependant, la démarche diagnostic et thérapeutique peut avoir un impact impact sur la fonction sexuelle ou sur les organes génitaux externes, à noter : hémospermie après biopsie, impuissance ou atrophie des OGE après certains traitements ( par exemple la castration entrainera une diminution des hormones nécessaires à une bonne fonction sexuelle, testostérone, DHT, oestradiol .. d’où une impuissance après traitement par castration). Il est donc important de connaître la fonction sexuelle au préalable de la réalisaition des tests diagnostics et gestes thérapeutiques.

• initiée à 50 ans en l’absence de facteurs de risque, 45 ans en cas de facteur de risque

identifié (familial ou ethnique) ; L’incidence du cancer de la prostate augmente avec l’âge, ce qui fait de ce dernier un facteur de risque majeur. Très peu de cas sont diagnostiqués avant 50 ans, d’où l’initiation à 50 ans.

La génétique est le facteur de risque le plus documente : Une forme héréditaire du cancer de la prostate sera suspectée à l’existence de cas chez les apparentés de premier degrés (Père, fils ou frères) ou second degrés (oncles paternels ou maternels, ou neveux): deux cas diagnostiqués avant 55 ans, ou trois cas quel que soit l’âge. L’hérédité est essentiellement polygénique, mais aussi monogénique dans 5% des cas. Trois gènes sont validés : BRCA1 et BRCA2 surtout, et HOXB13. La recherche d’antécédants de cancer du sein ou de l’ovaire est systématique, après quoi sera eventuellement indiquée une consultation d’oncogénétique.

Les facteurs de risque ethniques semblent être réels en cas d’ascendance d’origine d’Afrique noire. Il est cependant difficiles d’extraire ces facteurs d’autres facteurs socio économiques et environnementaux.

L’exposition à chlordécone (insecticide) est reconnue comme facteur de risque possible de cancer de la prostate.

Le cancer de la prostate, sensible à la castration et décrit uniquement chez des hommes pubères, dépendrait également de facteurs hormonaux. Cela n’est, à l’heure actuellement, toujours pas soutenu par de preuves formelles du rôle des facteurs hormonaux dans la carcinogenèse de la prostate.

Pas de régime alimentaire spécifique n’a été associé ou incriminé spécifiquement dans l’incidence du cancer de la prostate.

• interrompue au-delà de 75 ans généralement ;

A partir de 75 ans, le risque de mortalité est plus haut par d’autres causes, cardiovasculaires notament, que par un cancer de prostate.

• à répéter tous les 2 ans en cas de facteur de risque mais le rythme optimal n’est pas encore établi.

Une fréquence qui sera adaptée au profil du patient par rapport à la maladie, et en fonction de ses antécédants et son état lors de la dernière

consultation.

Des test très interessant dans le dépistage et prise en charge du cancer de la prostate.

En matière de dosages biologiques :

1. PSA total sérique:

Le PSA est une protéine de la famille des kallikréines jouant un rôle dans la liquéfaction du

sperme. Cette protéine est spécifique chez l’homme de l’épithélium prostatique mais pas du cancer de la prostate.

Le dosage du PSA sérique total est un test biologique obligatoire du fait de sa variation en réponse à plusieurs facteurs :

– Plusieurs traitements du cancer de la prostate baisseront le taux du PSA. Intêret dans l’évaluation du traitement.

Au delà de 20ng/mL, le taux du PSA fera suspecter une évolution métastatique du cancer de la prostate.

Cependant, il faudra faire attention à certains paramètres :

-Certains traitements médicaux peuvent artificiellement faire baisser le PSA ( inhibiteurs de la 5-alpha-réductase, comme le finastéride, utilisés notament dans le traitement de la calvitie masculine ). Si on enlève totalement la prostate et les vésicules séminales, le PSA sérique devient presque ou totalement indosable ( <0,2ng/mL )

-Certaines pathologies (hypétrophie bénigne de la prostate, la prostatite aiguë, une inflammation transitoire, une rétention aiguë d’urines…) ou des manipulations de la prostate (toucher rectal, sondage urinaire, rapport sexuels anaux, l’utilisation d’un vélo…) peuvent augmenter le taux de PSA sérique.

-Le taux du PSA sérique peut rester élevé durant plusieurs mois suivant une infection urinaire.

Le dosage du PSA sérique représente le premier test de dépistage du cancer de prostate, avec le toucher réctal (Ne pas oublier que le toucher réctal augmentera la PSA, ainsi faut-il faire le prélèvement pour doser la PSA avant de procéder à pratiquer un toucher réctal!).

2. Combinaison de kallikréines, le 4kscore :

Les résultats du dosages du PSA total, PSA libre, PSA intact et le HK2, seront combinés dans un algorithme avec l’âge du patient, le toucher rectal et les résultats de biopsies antérieures pour déterminer un score de risque personnel pour le patient.

La 4kScore a montré une excellente performance diagnostique dans la détection des cancer de prostate à haut risque. Il permet de déterminer si la biopsie a un interêt. Il s’agit d’un outil utile pour sélectionner les hommes qui ont une maladie importante et qui sont les plus susceptibles de bénéficier d’une biopsie de la prostate, par rapport aux hommes qui n’ont pas de cancer ou qui ont un cancer indolent, dont la biopsie sera, dans leur cas, inutile, voire même nocive uniquement.

Les hommes ayant un score 4K à faible risque ont plus de 99 % de chances de ne pas développer de métastases à distance au cours des 15 années suivantes.*

Cependant, le 4Kscore reste très couteux et non remboursé dans plusieurs pays.

3. Tests urinaires PCA3 :

Le test PCA3 mesure l’ARNm PCA3 et ARNm PSA dans le premier échantillon d’urine après un toucher rectal. L’ARNm PCA3 et l’ARNm PSA sont produits par les cellules normales et cancéreuses de la prostate, mais en plus grande quantité par les cellules cancéreuses. Le score PCA3 est basé sur le rapport entre l’ARNm PCA3 et l’ARNm PSA dans l’urine. Le test de l’ARNm PCA3 peut être effectué chez les hommes ayant un taux de PSA élevé et dont la biopsie de la prostate n’a pas révélé de cancer.

Le rôle du PCA3 dans la réduction du nombre de biopsies de la prostate chez les hommes subissant plusieurs biopsies. (doi: 10.1200/JCO.2013.52.8505.)

Cependant le test urinaire PCA3 reste très couteux et non remboursé dans plusieurs pays.

En matière d’imagerie :

L’IRM prostatique et/ou pelvienne :

Technique : L’IRM peut être utilisée à 1,5T ou 3T et ne nécessite pas d’antenne endorectale. L’examen doit être de façon standardisée : IRM multiparamétrique avec des séquences morphologiques T2 et des séquences fonctionnelles de perfusion et diffusion. Et une interprétation systématisée par secteur avec une échelle de suspicion allant de 1 à 5 (échelle objective [PI-RADS] ou échelle subjective [échelle de Likert]).

L’IRM multiparamétrique peut améliorer en toute sécurité la sélection des hommes pour la biopsie de la prostate. L’IRM multiparamétrique est très performante pour la détection du cancer de prostate et pour l’estimation du risque qui est améliorée chez les patients n’ayant pas encore bénéficié d’une biopsie.

La version 2016-2018 des recommandations place l’IRM multi paramétrique comme recommandée uniquement dans l’hypothèse d’une discussion sur une seconde série de biopsies prostatiques lorsque la première série de biopsie est négative. L’objectif de l’examen est alors de rechercher des zones qui auraient pu être mal échantillonnées par la série de biopsie initiale.

Cependant l’étude (doi:10.1016/j.jidi.2019.04.001) a trouvé que l’IRM multiparamétrique de la prostate est très sensible pour détecter les tumeurs agressives, et a conclus que ” l’IRM multiparamétrique de la prostate s’est imposée comme un examen incontournable avant biopsie de prostate. Devant l’afflux prévisible d’examens, il est essentiel que la communauté radiologique se mobilise pour produire des examens de qualité avec une interprétation standardisée pour permettre une prise en charge homogène à l’échelle nationale. ” L’étude donne un guide pour réaliser le mieux possible une IRM prostatique/Pelvienne dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate et de déterminer l’interêt d’une éventuelle biopsie.

Cependant, encore une fois, l’IRM reste un test couteux, cette fois, en temps et en argent.

En ce qui concerne le dépistage de masse …

Un dispositif de dépistage de masse n’est mis en place que lorsque les bénéfices sont démontrés sur la réduction de la mortalité spécifique et l’amélioration de la qualité de vie de la population entière ciblée. Le bénéfice d’une telle politique, dans le cadre de la réduction des dommages causés par le dépistage, a été démontré par plusieurs études cliniques.

Actuellement, il a été conculu par toutes les agences d’évaluation en santé, qu’il n’y a pas d’intérêt démontré d’un dispositif de dépistage de masse pour le cancer de la prostate.

Pour conclure…

Pour réduire les dégats liés à un surtraitement du cancer de la prostate tout en maintenant une baisse du taux de mortalité, il faudra mettre en place une stratégie de diagnostic précoce. Cependant, une telle stratégie se basera sur des tests, quoique performants, très couteux et souvent non remboursés. Ainsi, le plus judicieux sera de diriger les travaux de recherche vers la découverte de tests performant ne posant pas le coût comme limite, pour les tiers responsables du financement des soins.

Références:

  https://www.urofrance.org/sites/default/files/chapitre_15_item_307_-ue_9-_tumeurs_de_la_prostate.pdf

Etudes citées :

– doi:10.1016/j.jidi.2019.04.001

– doi: 10.1200/JCO.2013.52.8505.

– doi:10.1016/j.eururo.2019.04.033 10.1016/j.eururo.2019.04.033 – doi:10.1016/j.eururo.2014.10.021

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